Avec une plus forte prévalence dans les pays à faibles revenus, la grossesse précoce chez les adolescentes constitue un facteur majeur de mortalité materno-infantile. Environ 16 millions de filles âgées entre 15 à 19 ans accouchent dans le monde et les complications qui y sont liées, figurent parmi les causes majeures de mortalité. Les mort-nés et les décès néonatals sont 50% plus nombreux chez les enfants de mères adolescentes que les adultes de moins de 30 ans (Unicef, 2013). En France, l’âge moyen des premiers rapports sexuels est de 17 ans. En général, la situation instable et non-planifiée de ces rapports, diminue l’utilisation du préservatif car, 21% des filles sexuellement actives n’utilisent aucun contraceptif.
Loin d’être un accident ou le fruit de la naïveté ou encore l’ignorance des méthodes contraceptives, la grossesse précoce, sauf dans les cas de viol et d’inceste, est le résultat des conditions de vie difficiles et de mauvaises relations parentales instituant un climat dépressif et angoissant avec sentiment d’abandon et des violences verbales et physiques. De telle situation engendre souvent une rupture avec l’école et diminue l’estime de soi de ces jeunes filles les poussant à des conduites agressives et à la dépendance à la drogue (UZAN, 2004).
Peu importe les causes psychologiques et socio-économiques qui favorisent la grossesse précoce, il y a toujours des complications que nous pouvons regarder de trois manières1 (Jean François, 2014). Les risques de complications pour la maman sont liés surtout aux comportements sociaux indésirables relevant des conduites à risque propres à leur âge: tabagisme, alimentation déséquilibrée etc. plutôt qu’aux facteurs internes au corps de la jeune fille. Le fait d’ignorer ou de cacher leurs grossesses, augmente les risques2. Les deux grands risques pour le bébé sont le faible poids de naissance et la prématurité. Ce n’est pas le corps de la maman qui favorise le mieux les complications, mais le contexte psycho-social, le stress dans lequel l’adolescente vit la grossesse. D’autre part, tous les comportements à risque exposant le fœtus à des toxiques (tabac, alcool, drogue) peuvent entrainer des malformations chez le bébé. L’accouchement proprement dit est sans risque avec très peu de cas de césarienne (UZAN, 2004).
En Haïti, plus de la moitié de la population est âgée de moins de 21 ans, alors que la fécondité des adolescents est très élevée (Unicef, 2013) soit une jeune fille de 15 à 19 ans sur sept, (14%) a déjà commencé sa vie féconde (EMMUS V, 2012). Le manque de responsabilité des parents, les mauvaises conditions de vie des familles (Ayitinews, 2013), la promiscuité, l’effet culturel de l’enfant comme marque de féminité et d’opportunité dans l’avenir, le désir de laisser le toit familial et le manque d’éducation sont à la base de ce phénomène en Haïti.
Comment les conditions psychosociales affectent-elles l'adolescente enceinte, compliquent le travail et entravent la vie du fœtus? Quelles sont les conditions socio-économiques des parents des mères adolescentes ? Ces adolescentes ont-elles bénéficié le support de leurs proches ? Ont-elles reçu une éducation sexuelle incluant la santé de la reproduction ?
Avec la grossesse précoce, les adolescentes se sentent socialement rejetées par la discrimination du père de l'enfant qui n’est pas le plus souvent préparé à élever l’enfant et se déresponsabilise; des parents démissionnaires face à la critique sociale et la surcharge économique ainsi que leurs amis sous l’influence de la différence. N’ayant pas reçu d’éducation appropriée, elles se sentent alors coupables, anxieuses et faute de support psychologique, elles ont peur de déclarer la grossesse.
Cette étude vise à décrire les conditions psychosociales des mères adolescentes et explique le rapport familial dans lequel se développe plus le risque pour des jeunes filles d’avoir des grossesses précoces.
C’est une étude rétrospective transversale qui a eu lieu à l’HSN dans laquelle nous avons réalisé d’abord une analyse des registres d’accouchement de la maternité allant de juin 2013 à juin 2014 sur les jeunes mères adolescentes de 13 à 19 ans et une entrevue de 15 minutes avec des jeunes filles ayant eu un enfant à moins de 20 ans. Le questionnaire qui a été soumis à un total de 21 participantes vues à l’hôpital, contenait des renseignements personnels sur la mère et l’enfant ainsi que sur l’état psychologique et socio-culturel de leur vécu avant et pendant la grossesse.
Des 3,511 cas de grossesses enregistrés au service de la maternité de l’HSN de juin 2013 à juin 2014, 472 des patientes, soit 13.44%, avaient entre 13 à 19 ans. Nous avons remarqué qu’il y a plus de cas dans le trimestre Septembre – Novembre et nettement moins entre mars et juin (cf. fig 1). La courbe des cas de grossesses précoces est ascendante et proportionnellement élevée par rapport à l’âge avec un pic à 18 ans et une légère baisse à 19 ans (cf. fig 2). L’épisiotomie est très fréquente dans les cas de grossesse précoce suivie de pré-éclampsie légère alors qu’il y a très peu de césarienne et de mal formation du bébé (cf. fig 3). On a trouvé 141 cas, soit 28,60% où les enfants avaient une complication. Ces complications sont à 93% de petit poids, à 6% de prématurés et à seulement 1% de mort-nés (cf. fig 4).
Environ 86% des adolescentes entretenues n’ont pas reçu d’éducation sexuelle et plus que 95% se sentaient coupables au cours de la grossesse et près de 81% ont subi de la discrimination dont 57% environ ont été rejetées par leur famille alors que 62% des pères ne prennent pas leur responsabilité face à la mère adolescente. Cependant, 90% n’ont pas eu peur de le déclarer à leurs parents (cf. fig.5). ?
Sur le plan économique, 38% des parents des mères adolescents ne travaillaient pas au moment où elles sont tombées enceintes, 19% étaient de petits commerçants ou travaillaient dans le secteur de la sous-traitance et 14% de cultivateurs alors que seulement 10% étaient des professionnels (cf. fig 6). 10% des mères adolescentes sont illettrées, 33% ont fait le 1er cycle fondamental, 24% ont fait le 2è cycle et 33% sont arrivées au 3è cycle et aucune mère adolescente n’a été à l’université (cf. fig 7). Il y a plus de risque d’avortement autant que l’âge et le niveau d’étude soient plus élevés (cf. fig 8).
Le symbolisme au droit à la citoyenneté à l’âge de 18 ans semble marquer une distance psychologique à la famille qui incite les jeunes à prendre plus de risques sexuels et individuels. Une recherche en sociologie reste à confirmer la scientificité de cette présomption et aussi la prévalence au trimestre Septembre- Novembre. Cette étude confirme ce qui est dit dans la littérature à l’exception de la peur à avouer leur grossesse à leur parent. Il y a très peu de cas de césariennes et de complications physiques. Le problème est surtout lié à un manque d’éducation sexuelle et d’instruction, à l’absence de support psychosocial aux jeunes mères, ce qui est tributaire de la pauvreté des familles qui subissent de la discrimination de la société et la refoulent sur leurs enfants enceintes leur faisant éprouver un sentiment de culpabilité. Ce sont ces facteurs qui contribuent plus largement aux problèmes liés à la grossesse précoce de notre population d’étude.