La santé est la responsabilité de tous. Elle ne relève guère tout simplement du ressort d’un gouvernement ou des institutions sanitaires. En effet, les efforts consentis sur le plan mondial pour apporter équité et justice à travers la question de santé pour tous en l’an 2000 avec l’OMS, se heurtent à des obstacles qui paraissent insolubles. Ces problèmes résident encore plus dans les pays à faibles ressources comme le nôtre « Haïti ». Assurer des services de santé à toute la population avec de maigres ressources en la faisant participer à l’action pour la santé et le développement - tâche qui touche l’essence même de l’autodétermination de la communauté et qui dépend de sa volonté à participer à la résolution de ces propres problèmes- est quasiment impossible. Pour parvenir à jeter un pont entre la communauté et les institutions sanitaires,- la stratégie la plus efficace demeure les ‘‘Agents de santé communautaire (ASC)’’. Cette stratégie est un coup décisif dans la recherche des solutions. l’ASC est capable de résoudre 3 problèmes majeurs qui entravent le développement des programmes de soins de santé primaires qui sont : l’accès aux services promotionnels, aux soins préventifs et curatifs de base, ensuite le coût et la couverture sanitaire de la population en personnel. Donc, les relations sociales entre professionnels sanitaires et population constituent souvent une barrière qui peut entraver un comportement favorable à la santé et à son développement. Grace à la présence des ASC dans les zones les plus reculées, la barrière étanche qui séparait la communauté et le personnel de santé s’est effondrée pour faire place à l’étroite collaboration contribuant à l’adoption par la communauté de comportements favorables à la santé et au développement.
En Haïti, à part des actions un peu isolées vers les années 50 de quelques citoyens comme Dr Carlo BOULOS, Dr François DUVALIER et Dr Arly BORDES, les premières actions de santé publique ont débuté dans les années 75 avec l’élaboration du premier Plan national de santé qui mettait l’accent sur la régionalisation des services de santé par la création de quatre régions sanitaires: le Nord, le Sud, l’Ouest et la Transversale. Chaque région était subdivisée en districts et sous districts suivant leur étendue géographique et le nombre de communes. Trois années plus tard, en 1978 à Alma Ata, ce fut l’adhésion d’Haïti à l’objectif de santé pour tous en l’an 2000. Pour ce, le pays adopta la stratégie des soins primaires de santé avec la mise en oeuvre du programme des Agents de Santé Communautaire et la création de quatre écoles d’auxiliaires polyvalentes pour garantir la supervision de ces agents. De même, les écoles de formation des officiers sanitaires et des infirmières hygiénistes furent remises en fonctionnement. Un réseau d’institutions de santé bien équipées fut construit dans ces régions. Les soins de santé primaires gratuits atteignaient une couverture d’environ 80% de la population, réduisaient au tiers la mortalité maternelle qui était aux environs de 1000 pour 100,000 naissances vivantes, porter à 50 pour 1000 naissances vivantes la mortalité infantile qui était aux environs de 156 pour 1000 naissances vivantes. De même quelques actions de santé publique ont vu le jour, par exemple la gratuité des soins prénataux, les urgences obstétricales, la planification familiale, la surveillance de la croissance de l’enfant, la vaccination des enfants de moins de 5 ans, et les soins fournis par les agents de santé. Pour répondre à ce dernier, 500 agents de santé ont été formés avec l’appui financier de l’USAID et payés par le MSPP pour desservir les communautés les plus reculées. Les agents de santé recrutés avec la collaboration des autorités locales, des notables et des leaders après une double évaluation basée sur leur capacité intellectuelle et leur motivation à servir leur communauté, recevaient une formation théorique et pratique durant trois mois, au terme de laquelle ils étaient affectés dans leur communauté respective. Ils étaient appelés à fournir gratuitement des soins primaires tels que: l’éducation sanitaire, la vaccination des enfants et des femmes enceintes, l’assainissement de base, la planification familiale, quelques soins d’urgence, le suivi des tuberculeux et la référence des patients. Ils étaient placés sous la supervision directe des auxiliaires de l’institution d’affiliation. Les normes voulaient que deux agents soient confiés à la supervision d’un auxiliaire. A cette époque, certaines institutions privées sans but lucratif ont changé de statut pour devenir des institutions mixtes grâce à un apport du Ministère en matériel et en personnel qualifié dans le but de garantir la qualité des soins et d’assurer la supervision des agents de santé.
Dans le but d’étendre la couverture sanitaire, le Ministère
a envisagé la création d’un réseau d’agents de santé communautaires
et la construction de nouvelles institutions
sanitaires. Avec cette approche, la dénomination dispensaire
hôpital fut remplacée par des Centres de Santé avec
lits qui ont vu le jour. Les dispensaires ont été maintenus
comme étant la plus petite unité à côté des centres
de santé, constituant le premier échelon de la pyramide
sanitaire. Les normes de couverture sanitaire furent également
définies :
Un agent de santé pour mille cinq cent à deux milles habitants, un dispensaire pour cinq mille habitants et un centre de santé sans lits pour dix mille habitants.
La définition de l’Agent de Santé est d’une simplicité trompeuse: c’est une personne choisie dans la communauté et formée pour travailler au sein de celle-ci en liaison étroite avec le système de soins de santé. Il faut néanmoins noter que le rôle de l’Agent de Santé à un caractère unique tant dans la communauté que dans le système de soins de santé, qu’il est commun à deux, qu’il relie l’un à l’autre. Cette fonction de trait d’union suppose, d’une part, que l’ASC appartient à la communauté, de ce fait, il aide à recenser les problèmes communautaires et les membres de la communauté exposés ou dans le besoin, fait participer la communauté aux solutions à mettre en oeuvre et contribuer à lui donner accès aux soins de santé. D’autre part, l’ASC doit servir d’instrument pour la prestation des services de santé préventifs curatifs et promotionnels à la communauté, et pour la transmission des informations requises aux fins de surveillance, de planification et de gestion des services de santé. C’est dans cette fonction de trait d’union que résident la force et la faiblesse des ASC. Quand le contact est insuffisant, d’un côté ou de l’autre, il y a échec: un trop faible enracinement dans la communauté engendre la méfiance de l’ASC et mine son influence, alors qu’un soutien insuffisant de la part du système de santé entraine des déficiences dans l’approvisionnement en vaccins ou médicaments, dans la supervision et la consultation qui, à leur tour, compromettent l’efficacité de l’ASC. Ainsi, le lien tissé avec la communauté et les services d’appui est essentiel. Si l’ASC n’est pas efficace, la cause doit être recherchée dans les insuffisances de ces liens plus probablement dans les activités immédiates des ASC.
Voici quelques tâches auxquelles on doit particulièrement se consacrer si l’on veut que l’ASC soit mieux utilisé:
On demande à l’ASC de s’acquitter de nombreuses activités telles que: visites domiciliaires, poste de rassemblement, prévention et promotion de santé, réunions communautaires, éduction sanitaire, activités de santé maternelle et infantile y compris la planification familiale, la lutte contre les maladies transmissibles et les activités de développement communautaire. Ces fonctions dérivent dans une large mesure de la déclaration Alma Alta où ont été définies les huit composantes des soins primaires de santé.
Les fonctions de l’ASC sont déterminées par le ministère de la santé, pratiquement sans les interventions des professionnels de santé. Cependant, les pays qui négligent de faire appel à la communauté à ce propos risquent de graves problèmes. En Haïti, beaucoup de contestations se firent entendre. Le personnel des institutions de santé voyaient dans l’Agent de Santé quelqu’un qui allait renforcer le charlatanisme et leur enlever des malades. Grande fut leur surprise de voir qu’avec des ASC bien formés et régulièrement supervisés, la fréquentation des institutions augmentait. Pour la légitimité de la fonction de l’ASC au sein de la communauté, il faut nécessairement qu’elle soit conjointement mise en place par les professionnels de la santé et la communauté.
Si les critères de sélection des ASC varient d’un pays à l’autre, la nature commune des problèmes à résoudre fait que certains de ces critères sont de plus en plus généralement appliqués. Ils concernent la capacité des futurs ASC à assimiler et à pratiquer ce que leur enseigne, l’expérience de travail au sein de la communauté, l’acceptabilité de la communauté, la maturité d’esprit, le sens de la responsabilité et le dévouement. Les principaux critères de sélection sont l’âge, le sexe, appartenance à la communauté, la capacité d’inspirer respect et confiance à la communauté. L’ASC doit être âgé de 18 à 45 ans, doit avoir un niveau scolaire au moins de 6èannée fondamentale. Il faut souligner que la majorité des agents recrutés étaient des hommes, parce que dans les zones reculées, il y a plus d’hommes instruits que de femmes, ces dernières s’adonnent plus à des travaux de maison.
La formation de l’ASC s’appuie sur un programme bien précis défini par la convention d’Alma ATA. Tout au début, on a débuté la formation à Darbonne sur une période de 3 mois au cours de laquelle l’ASC est tenu d’être présent quotidiennement. Une fois la formation terminée, l’ASC ira dans sa zone respective afin de pouvoir exercer ces fonctions. Certaines ONG préfèrent organiser des formations continues, une semaine de formation ensuite une semaine sur le terrain.
L’importance de l’ASC est de ressort capital pour un pays à ressources limitées où les professionnels de santé sont insuffisants pour desservir toute une population. C’est grâce à l’ASC qu’on est arrivé à couvrir les zones les plus reculées. En effet, l’ASC permet d’améliorer les indicateurs de santé et d’accroitre l’accessibilité de tous les soins en vue d’apporter des réponses adéquates aux programmes prioritaires, il joue également un rôle dans la prévention contre des épidémies graves. Donc, on peut dire que l’ASC est la source éminente du développement des soins de santé primaires d’un pays.
L’ASC est un membre de la communauté ayant reçu une certaine formation pour promouvoir la santé ou pratiquer certains soins de santé, sans être professionnel de santé. L’utilisation des ASC aboutit probablement à une augmentation du nombre d’enfants qui sont à jour dans leur calendrier de vaccination, pourrait faire baisser la mortalité chez les enfants de moins de 5 ans, pourrait accroitre le nombre de parents qui ont recours à des services pour leur enfants malades, réduire le nombre d’enfants souffrant de fièvre de diarrhée et de pneumonie.