EDUC INFO : Salut Dr Ram, comment vas-tu?
SLR : Bonjour, ça va bien, merci
EDUC INFO : Est- ce que tu peux nous parler un peu plus de toi? Ton éducation, ton parcours professionnel et surtout tes expériences à ZL?
SLR :
Issu de parents originaires de Lachapelle dans le département
de l’Artibonite, j’ai grandi dans le Plateau central,
plus particulièrement à Mirebalais.
Je suis médecin de profession, détenteur d’un diplôme en
médicine tropicale de l’université internationale de la Guadeloupe
et de la Guyane, d’un diplôme en santé communautaire
de l’Université Henri P. Carré de Nancy, d’un DESS
en Management et Gestion des Services de Santé de l’université
Montréal, puis d’une maitrise en Administration de la
Santé avec l’université de Montréal.
J’ai fait mes études primaires à l’école St Pierre de Mirebalais
et le secondaire au collège St Pierre de Port-au-Prince.
Apres la philo, j’ai été à l’école de commerce Maurice Laroche
où j’ai décroché un diplôme en comptabilité. Le lendemain
de la collation de diplôme, j’ai commencé avec les
cours à la faculté de médecine et de pharmacie de l’UEH
d’où je suis sorti en 2006. J’ai fait mon service social à Thomassique
dans le Plateau central.
Permettez que je rende un hommage bien mérité au Rev.
Père Lafontant, ce grand visionnaire, Co-fondateur de Zanmi
Lasante. Jusqu’à présent, après plus de 25 ans de carrière,
je n’ai travaillé que pour 2 institutions: Zanmi Lasante et le
MSPP. J’ai été Directeur de l’hôpital Notre Dame de la Nativité
de Belladère et toujours dans le Plateau Central.
EDUC INFO : Comment as-tu commencé à travailler à ZL? Depuis quand? En quoi consiste ta fonction et tes responsabilités primaires?
SLR : Dire comment et depuis quand j’ai commencé à travailler à Zanmi Lasante m’exige à remonter à l'origine, la genèse de Zanmi Lasante.
Et, je vous dirais qu’en 1978 alors que j’ai été en classe de philo, le Père Lafontant a établi une Chapelle à Cange, ou n’existait dès lors aucune infrastructure, aucun service social de base. Il a commencé avec une petite école classique sous un arbre où les enfants s’asseyaient sur des pierres. Pour améliorer les conditions d’apprentissage, il a sollicité l’aide de la World Vision.
J’étais déjà au côté de Père Lafontant pour remettre cette
lettre de demande d’assistance dont j’ai eu la charge de la
rédaction.
Après une visite du Directeur de la World Vision, la demande
a été acceptée. L’école a été inscrite à un plan de parrainage
et j’allais remplir le rôle de “Case Worker” et celui de préparer
et de soumettre les rapports financiers et narratifs.
On a commencé à parler de santé seulement à partir de 1983
date à laquelle Père Lafontant et Paul Farmer, alors étudiant
en anthropologie, se sont rencontrés. Ensemble on a implémenté
“ Projè Veye sante” qui était un projet de santé communautaire.
Ce qui favorisait la construction de la Clinique
Bon Sauveur de Cange dont l’inauguration a eu lieu en septembre
1987, le lendemain de la fin de mon service social.
D’autant dire, dès ce jour même, j’ai commencé à travailler
pour cette institution, qui par la suite allait engendrer Zanmi
Lasante. Je devais assurer la marche de la clinique et superviser
le « Projè Veye Sante », car dans les premiers moments
j’étais seul. Comme médecin responsable, j’allais travailler
de concert avec Paul Farmer, Père Lafontant et Orphelia
pour l’implantation des différents programmes comme «
Sante fanm, MDR, TB, IST/VIH. J’ai eu à participer à leur
côté dans toutes les discussions, réflexions, relatives à l’avenir de cette oeuvre qui se charpentait et l’une de mes taches
spécifiques était celle de rédiger la partie française de la correspondance.
Pour résumer, je vous dirais que je travaille pour Zanmi
Lasante même avant sa conception. J’ai même participé à
l’élaboration de sa charte constitutive.
EDUC INFO : Quels sont d’après toi, de ce parcours sans précèdent, les succès que tu as connus à ZL et comment tu as fait pour en escompter de tels exploits ?
SLR : Des succès, je n’en ai pas eu personnellement mais plutôt, j’éprouve certaines satisfactions relatives aux succès que connait Zanmi Lasante. J’ai toujours travaillé en ce sens et non pour mon salut personnel. Je me réjouis des exploits de Zanmi Lasante, soit en terme de services fournis, soit en terme d’avancés sur le plan structurel et organisationnel, car tout en étant dans l’ombre, j’estime que ma contribution n’est pas des moindres, j’y retrouve la concrétisation de certaines de mes timides réflexions et le fruit du partage d’idées que j’entretiens souvent avec mes collègues de travail.
EDUC INFO : Qu’est-ce qui t’a motivé à travailler à ZL pendant tout ce temps ?
SLR : Pour moi, Zanmi Lasante en lui-même est une source de motivation. A travers ses différents programmes d’assistance sociale, il vise l’amélioration de la qualité de vie des plus pauvres. Sa philosophie s’allie à mon désir évident de servir les autres avec dignité et dans le respect de leur intégrité, ce qui est d’ailleurs un prescrit de l’évangile que je garde toujours à l’esprit. Il me permet de venir en aide à ces déshérités du sort et leur donner l’espoir d’une vie meilleure. Ma plus grande source de motivation d’y travailler est mon souci de sa pérennité, de la transcendance de sa philosophie et des valeurs qu’il véhicule. Je ne saurais omettre son engagement dans la défense du droit à la santé des plus pauvres et les droits de la femme. Car j’ai toujours cru que dans un monde d’abondance où il y en a de ceux qui ont beaucoup trop et d’autres qui n’en ont rien du tout, la logique du partage devrait constituer la base de la société moderne. Aussi, faudra-t-on lutter contre cet état de fait non avec de beaux discours mais par des actions concrètes. Il ne revient pas seulement de porter des réflexions sur les pauvres mais de les venir en aide.
EDUC INFO : Est- ce que tu as un rêve après toutes ces années ? Voudrais-tu le partager avec les lecteurs?
SLR : Il est évident que tout fonctionnaire, professionnel ou non, pense à un plan de carrière, c’est ce qui lui permettra de se développer, toutefois, en ce qui me concerne, à mon humble avis, le temps de parler de plan de carrière est révolu mais plutôt, c’est l’heure de parler de plan de retraite, ce à quoi, les organisations n’ont jamais pensé. Serait-il superflu d’attirer l’attention de ZL et d’autres, de commencer à s’engager dans des réflexions en ce sens, car il y en a pas mal d’employés qui leur consacrent toute leur tranche d’âge de production et qui après l’âge de la retraite vont se croupir dans la misère s’ils n’ont pas eu la chance de créer une activité personnelle de subsistance.
EDUC INFO : Quels sont les conseils que tu voudrais donner aux autres employés du réseau?
SLR :
Par avant les conseils, permettez que je leur rappelle,
d’une part la philosophie de Zanmi Lasante qui est une “
Option Préférentielle pour les Pauvres qui veut qu’on les
traite avec dignité et dans le respect de l’intégrité de l’être
humain et d’autre part, les valeurs morales que préconise ZL
à savoir: l’équité, la justice sociale et la participation communautaire.
Entre outre, je veux partager avec eux une petite
conversation que j’ai eue avec Paul E. Farmer : c’était en
1985, pendant que je l’accompagnais pour visiter une personne
originaire de Cange qui était hospitalisé dans un hôpital
à Port-au-Prince.
En passant devant la salle d’orthopédie tout proche de la
chirurgie, il s’était arrêté un instant pour observer, je ne
savais quoi exactement. Puis on est reparti, il m’a dit que
“ sa yo se 2 sal lanfè” et à moi de répondre: Poukisa? C’est
alors qu’il m’a fait comprendre qu’il s’était basé sur la façon
dont les professionnels approchent ou abordent les patients
et l’odeur répugnante qui se dégageait de ces salles et à lui
de conclure: “ Ti Ram, m pata swete ke lè nou gen lopital
pa nou yo pou yo ta konsa tou”. Partant de tout ceci, je leur
dirai d’exécuter toujours leurs taches avec sérieux puisque
l’on s’occupe d’être humain, qu’ils aient de la compassion
pour les patients, au-delà de leur souci personnel. Qu’ils placent
les intérêts de l’institution avant les leurs et que leurs
attitudes au travail soient en harmonie avec la philosophie
de ZL qui se positionne hors des institutions où c’est la
question de nombre d’heures qui compte pour l’employé.
Je voudrais aussi leur exhorter, à quel que soit le niveau de
la pyramide gestationnelle auquel il appartient, d’oeuvrer de
façon à garantir l’harmonie et la cohésion entre eux. Pour
finir, je leur encouragerai à exercer leur fonction, non seulement
avec compétence et conscience mais encore, avec le
meilleur d’eux-mêmes, avec coeur et humanisme, ainsi, ils
constitueront au développement de ZL et l’aideront à progresser
dans la poursuite de sa mission, d’ailleurs, une mission
sociale et sa performance en général.
EDUC INFO : Un dernier mot
SLR : Je remercie le Bulletin EDUC-INFO de Zanmi Lasante de m’avoir invité à parler de mes expériences à ZL. Espérant que cela aidera les autres à être plus motivés au travail, je réitère à tous et à toutes, mes voeux les meilleurs pour une bonne et heureuse année 2015. Merci!